RENDONS à NOTRE PLANETE SA GRANDEUR, EST-CE ENCORE POSSIBLE ?
En cette fin de décennie des années soixante, l’équipage de la mission Apollo 8 prépare activement le prochain débarquement sur la lune. Cet évènement attendu par toute l’humanité se produira le 21 juillet 1969 grâce à la mission Apollo 11.
Dans cette phase préparatoire, les astronautes, Franck Borman, James Lowell et William Anders, viennent d’atteindre, au terme de ce vol préparatoire d’Apollo 8, la proche banlieue lunaire. Ils vont effectuer dix révolutions complètes autour de notre satellite naturel.
C’est lors de cette opération qu’ils transmettent à la base de Houston, le centre de contrôle terrestre, le 24 décembre 1968, une photographie extraordinaire.
Ce cliché exceptionnel comporte en avant-plan la ligne d’horizon lunaire, et derrière, sur un fond noir digne d’un tableau de Pierre Soulage, l’immensité sidérale. Dans ce décor unique, apparaît soudain émerger partiellement notre magnifique planète bleue. Notre terre ressemble à s’y méprendre à un vaisseau fantôme perdu, cherchant obstinément la route de sa destinée sur cet océan interstellaire mystérieux et chaotique.
C’est à cette occasion, je crois, que l’ensemble de l’humanité, du moins pour ceux qui ont eu la chance et l’immense privilège d’accéder à cette information, qu’elle a pris conscience – par la preuve apportée par cette première image – de la fragilité et des limites de notre monde et du partage d’une destinée commune inéluctable de la communauté humaine.
Nous étions tous embarqués sur ce petit navire quelle que soit notre couleur de peau, nos idées politiques, notre origine géographique. Ce fut la révélation absolue que nous ne sommes tous, pauvres terriens, que de humbles naufragés, condamnés à partager, sur cette minuscule « chaloupe », un destin commun incertain mais inévitable. Nous avions la preuve de notre vrai modèle du système solaire , sous nos yeux ébahis, après des siècles de controverses et de théories contradictoires allant de l’affirmation de la platitude de la terre à celle de sa centralité universelle.
Cette photographie nous indique en premier lieu l’évidente vérité de l’hypothèse copernicienne. Nous prenons conscience à cette occasion de la taille de notre planète à peine perceptible à l’échelle de notre immense galaxie, qui elle-même semble minuscule dans l’immensité infinie de l’univers. La fragilité de notre petit vaisseau spatial « terre » nous oblige à le préserver coûte que coûte, car la question de la pérennité de toutes les formes de vies sur terre est désormais posée.
Déjà à son époque, notre grand écrivain national, Victor Hugo, déplorait l’insouciance des hommes en déclarant : « c’est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain n’écoute pas ». Le philosophe grecque Socrate l’avait précédé en soulignant la dimension personnelle et, déclarant, « connais-toi toi-même ». C’était une sorte de premier dialogue entre l’individu et la nature. Cette photographie a été une étape importante dans l’éveil des consciences, nécessaire, mais malheureusement largement insuffisant.
Cette insouciance était due vraisemblablement à l’euphorie de la reconstruction de toutes les infrastructures détruites lors de la grande guerre mondiale, tout particulièrement dans le monde occidentale, lancée dans une phase de croissance économique continue, baptisée « les trente glorieuses ». C’est à cette époque de forte croissance, qui apparaissait sans limites, que l’organisation de coopération et de développement économique (O.C. D.E) crée le club de Rome .
Ce club est un groupe de réflexion, constitué de scientifiques, d’industriels, d’économistes et de hauts fonctionnaires de 52 pays différents. Leur mission est de réfléchir et proposer différents scenarios possibles de développement économique compatibles avec les ressources disponibles et exploitables dans notre espace planétaire fini. Le club se réunit pour la première fois en 1968 à Rome d’où il prendra le nom.
Ce think tank originel confie une étude au Massachussetts Institute of Technology (M.I.T.) en 1970. Un rapport lui est remis en 1972, qui provoque immédiatement de multiples réactions, interprétations et déclenche d’énormes controverses dans le monde entier.
Cette étude fournie au club de Rome est plus connue sous le nom de rapport Meadows. Elle porte le titre de « Les limites à la croissance (The Limits to Growth) ». La traduction française est plus radicale. Son titre est immédiatement sujet à polémiques, il s’intitule « Halte à la croissance ».
Des concepts comme le développement durable et l’empreinte écologique apparaissent alors progressivement. En effet, c’est en 1987 que paraît le rapport du ministre norvégien de l’environnement Harlem Brundtland. Ilpropose dans ce rapport une définition du concept de développement durable (D.D.), tenant compte de l’épuisement possible des ressources. Il propose cette approche pour qualifier le D.D. ainsi : « c’est un développement qui répond aux besoins du présent, sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ».
Le rapport Meadows constate l’évolution exponentielle de la démographie de la terre. Le rapport précise que la population qui était de 500 millions d’habitants dix-huitième siècle doublait tous les 250 ans. Elle a atteint le milliard d’individus en 1970. Ce rythme nouveau de croissance de la population laisse entrevoir un doublement prévisible tous les 32 ans. Parallèlement, pendant cette période des années 60, au sommet de la phase des trente glorieuses, la croissance économique a atteint des taux moyens très élevés d’environ 7%.
Les rapporteurs alertent sur les effets provoqués par cette forte croissance de l’économie et de la population et mettent en garde sur l’impact dévastateur sur l’épuisement des ressources encore disponibles en termes de matières premières, énergies, ressources alimentaires et halieutiques (mers et océans).
Cette grande activité humaine dans une époque d’industrie triomphante et d’ agriculture productiviste expansive génère parallèlement une pollution inquiétante de grande envergure, dont toutes les conséquences ne sont pas aujourd’hui encore toutes identifiées, mais provoque une dégradation certaine de notre environnement, accompagnée de ses conséquences néfastes sur notre santé.
Cet impact est toutefois à moduler et se révèle souvent différent en fonction du lieu où l’on se trouve.
Les rédacteurs du rapport Meadows préconisent dans leurs conclusions plusieurs scenarii de changement possibles.
En aucun cas, comme le suggère la traduction française de ce texte, « une croissance zéro, mais une croissance différente ».
Les scientifiques soulignent à cette occasion l’interdépendance de tous les paramètres et proposent à la réflexion des décideurs institutionnels et privés des modèles de développement susceptibles de concilier développement durable et préservation de la planète en intégrant en permanence l’apport des avancées scientifiques.
Ce rapport commandé par le club de Rome est le document fondateur nécessaire à la prise de conscience des enjeux planétaires et des menaces qui surgissent et mettent en danger la pérennité même de toutes les formes de vie.
L’évolution exponentielle de la population est particulièrement inquiétante. Nous sommes passés de 1,5 à 1,7 mds d’individus en 1900, à 2,53Mds en 1950 et enfin à 7,79 Mds d’habitants en 2020 dans notre monde où les ressources sont nécessairement limitées.
Changer notre modèle de développement est très complexe à réaliser, car les intérêts sont souvent divergents. Naturellement, beaucoup proposent le changement mais s’en exonèrent pour eux-mêmes. C’est le principe du syndrome Nimby.
Cet acronyme signifie « NOT IN MY BACK YARD » : pas dans mon arrière-cour ou mon jardin.
La route d’un changement prochain est parsemée d’embuches, elle apparaît encore lointaine et très longue !
Mais les événements se succèdent. En 1972, à l’initiative de l’O.N.U., les sommets de la terre sont organisés tous les dix ans. L’objectif de ces rassemblements d’experts de décideurs privés et institutionnels est de favoriser un développement durable au niveau mondial. Le premier de ces sommets se déroule à Stockholm en 1972, suivi de Nairobi, de Rio, puis de Johannesburg en 2002.
Ce quatrième sommet de la terre est resté dans toutes nos mémoires à cause de la fameuse phrase introductive de l’allocution prononcée par Jacques Chirac, Président de la République française, qui, se référant au réchauffement climatique, s’y est s’exclamé : « Notre maison brûle, mais nous regardons ailleurs ». Il fait, par cette citation,le terrible constat de la destruction de la nature et critique l’indifférence des habitants de la terre face à cette situation désespérée, mettant en danger l’ensemble même de l’espèce humaine.
C’est dans cette logique de vouloir imposer des règles communes de préservation de notre planète que se déroule le 11 décembre 1997 la troisième réunion importante : la conférence of the parties (COP3) à Kyoto, au Japon.
Un accord international est trouvé, c’est le protocole de Kyoto. Ce traité vise à réduire les émissions anthropiques (émissions d’origine humaine) de 6 gaz à effet de serre (G.E.S), dont les principaux sont :
1-le dioxyde de carbone,
2- le méthane,
3- le protoxyde d’azote
4- trois substituts des chlorofluocarbones
Ce protocole vient compléter la convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique.
Pour que le protocole puisse entrer en vigueur, il faut que 55 pays ratifient le traité .Cet objectif fut atteint en 2002 avec la ratification du protocole par l’Islande.
Les pays signataires se sont engagés à réduire en moyenne leurs émissions de 6 gaz (sur la base de l’équivalent CO2) de 5% sur la période 2008-2012.
Le Protocole permet une flexibilité de cette contrainte, offrant la possibilité de vendre ou d’acheter des droits à émettre des GES (gaz à effet de serre).
Un mécanisme financier, le MOC (mise en œuvre conjointe), dont l’objet est le stockage de carbone et la réduction des émissions. Ce mécanisme de financement est complété par le MDP (mécanisme de financement propre) destiné principalement aux pays en voie de développement. C’est un « fond vert » d’un montant de 100 mds de dollars par an destinéà aider les pays en voie de développement à lutter contre le changement climatique et la déforestation.
Le protocole de Kyoto a également institué le système communautaire d’échange de quotas d’émissions le S.C.E.Q.E. Il s’agit du premier système d’échange de quotas d’émissions de GES (gaz à effet de serre) dans le monde.
La difficulté de fixer un prix du carbone a favorisé le recours à la mise aux enchères des quotas d’émissions. Dans ce contexte, le premier ministre canadien de l’époque, Stephen Harpen, jugeant les conditions trop contraignantes, décide le retrait de son pays du protocole de Kyoto.
Mais, la véritable raison, d’après les spécialistes de ces questions, serait le développement de la production de pétrole à partir des sables bitumineux. L’empreinte environnementale de ce mode d’extraction est considérable. Faut-il rappeler aussi, que le Canada est le premier fournisseur de pétrole brut des Etats-Unis d’Amérique ?
Dans ce long cheminement de prise de conscience préalable pour des actions concertées, l’O.N.U. crée le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (G.I.E.C.) en 1988, à la demande du G7 (Groupe des pays les plus riches). Le rôle assigné à ces experts scientifiques est d’expertiser les données techniques et socio-économiques qui concernent le risque de changement climatique provoqué par l’action humaine.
Ce groupement est composé de 36 scientifiques élus par l’assemblée générale du GIEC.
Leur rapport a servi de référentiel aux accords de Paris lors de la conférence COP 21. Trois objectifs principaux figurent dans le traité de l’accord de Paris :
-1 le maintien des températures en-dessous de 2°C (d’ici 2100) par rapport à la température de l’ère préindustrielle et la demande de prendre toutes les mesures possibles pour empêcher les températures d’augmenter de plus de 1,5°C.
-2 la résilience et l’adaptation au changement climatique, notamment via un développement « low carbon (décarboné) ».
-3 l’adoption des modes de financement permettant de réaliser ce développement « low carbon ».
L’accord de Paris du 12 décembre 2015 est ratifié par 195 sur 197 états et en plus, l’union européenne.
L’U.E s’est fixée quant à elle l’objectif de réduire ses émissions d’au moins 40% d’ici 2030.
Malgré les rapports successifs du GIEC sur l’implication des gaz à effet de serre comme étant la cause principale du réchauffement climatique, des groupes de personnes contestent avec véhémence cette causalité, ils sont qualifiés de climato septiques.
Ce groupe est composé de politiques, de scientifiques de renom et de journalistes. Ils continuent d’affirmer leur thèse, réfutant l’hypothèse retenue, que le réchauffement climatique d’origine anthropique n’est qu’une imposture, un mythe et tout simplement une vue de l’esprit.
Dans ce contexte de contestation, le 1 juin 2017, le président des Etats-Unis fraichement élu en conformité avec ses engagements électoraux annonce le retrait de son pays des accords de Paris. Ce retrait deviendra effectif le 4 novembre 2020, date des nouvelles élections présidentielles américaines.
Mais un fait exceptionnel en diplomatie se produit immédiatement après cette annonce : le président français Emmanuel Macron lui répond le même jour, le 1 juin 2017. Il proclame dans une formule détournant le slogan de campagne de Donald Trump : « Rendons à notre Planète sa grandeur » (Make our planet great again). Il souligne également que malheureusement, « il n’y a pas de plan B parce qu’il n’existe pas de planète B ». En conséquence de quoi, on ne remettra pas à plat les accords de PARIS.
Mais la polémique continue, amorcée après la parution du livre de Claude Allègre, ancien directeur du globe de Paris et ancien ministre de l’éducation nationale, « l’imposture climatique ». C’est une étape nouvelle à cette contestation, plus de 500 scientifiques, dont 68 français, viennent d’écrire au secrétaire général des Nations unies, le 23 septembre 2019, pour dénoncer « l’alarmisme climatique ». Cette démarche est lancée par Guus Berkouf géophysicien, professeur émérite à l’université de La Haye. Les signataires demandent expressément que les politiques climatiques soient entièrement repensées. Ils affirment que le réchauffement est moindre que prévu et que le gaz carbonique, loin d’être un polluant serait bénéfique pour la vie sur terre.
L’ancien ministre de l’éducation nationale Luc Ferry et l’écrivain Pascal Bruckner surenchérissent en affirmant à leur tour que l’on instrumentalise, par les conclusions du GIEC, l’écologie contre la démocratie.
Le groupement d’entreprises Business Europe regroupant en autres EDF, TOTAL, ENGIE, sont aussi signataires de ce manifeste. Ce groupement d’entreprises réfute la thèse de croissance zéro, mais sont d’accord pour agir autrement. C’est dans ce contexte d’agitation que rentre en scène, en 2018, la jeune suédoise, alors âgée de 15 ans, Greta Thunberg.
Malgré son jeune âge, elle vient de lancer le mouvement « grève scolaire pour le climat ». Ce mouvement séduit la jeunesse, prend de l’ampleur et se propage dans le monde entier : c’est l’effet Greta Thunberg. Ce phénomène médiatique permet de remettre la question du réchauffement climatique au centre des débats. Ce fut le cas notamment lors du forum économique de Davos en Suisse.
La perception d’un changement se confirme par la recrudescence des tempêtes, la multiplication des cyclones et de leurs intensités accrues, suivies par des inondations dévastatrices catastrophiques. Mais tous ces événements cataclysmiques n’affectent nullement les certitudes bien ancrées des climato-sceptiques.
La fonte des calottes glaciaires des pôles et l’augmentation inexorable du niveau des océans ne les convainc pas non plus. Il est vrai que la compréhension du fonctionnement de notre planète regorge de théories de toutes sortes, l’hypothèse Gaïa en est une.
C’est James Lovelock qui avance, en collaboration avec d’autres scientifiques, que selon eux, la terre serait un système physiologique dynamique, qui inclut la biosphère et maintient notre planète depuis plus de 3 milliards d’années en harmonie avec la vie. La terre est d’après cette hypothèse un système auto-régulé et toutes les activités humaines tendent à aggraver la situation, en premier lieu desquelles l’agriculture, par l’agression de la croute terrestre et la déforestation par la libération de CO2.
Lovelock pense que seul le nucléaire civil est la source adaptée d’énergie stable, non polluante, par opposition aux énergies alternatives gourmandes en matières premières lors de leur fabrication. Il faut rappeler que le quadruplement du prix du pétrole en 1973 a provoqué un véritable électrochoc en France. Cette situation nouvelle incite le gouvernement de Pierre Messmer à mettre en œuvre un vaste programme de construction de centrales nucléaires pour notre production d’électricité, afin d’assurer l’indépendance énergétique du pays.
La France comptait en 2019, 19 centrales nucléaires en exploitation pour un total de 58 réacteurs (les réacteurs de la centrale de Fessenheim vont être prochainement arrêtés définitivement et démantelés). Ce parc de centrales représente 15,3% de la production mondiale d’électricité d’origine nucléaire derrière les Etats-Unis à 31,4%. Malheureusement, les centrales génèrent aussi, dans leur processus industriel, des déchets résiduels radioactifs. Par leur dangerosité, ces déchets doivent être stockés et surveillés ou partiellement retraités dans l’unique usine française de la Hague. Cette usine traite également des déchets venus d’autres pays. Elle a été mise en service en 1966. Le temps où les déchets radioactifs ultimes, confinés dans des fûts jetés par tous les pays producteurs d’électricité d’origine nucléaire dans les fosses marines profondes, est désormais révolu.
En recherche de solutions pérennes, la France construit depuis le début de l’année 2000 un laboratoire, véritable centre de stockage en couche géologique profonde à Bure, petit village de la Meuse, pour démontrer la faisabilité de cette méthode nouvelle de gestion des déchets radioactifs.
Pourtant, quelques années auparavant, le problème du retraitement des déchets semblait trouver une solution définitive par la construction du réacteur nucléaire « Superphénix ». Il estsitué à Creys-Malville, en bordure du Rhône, pas très loin des frontières suisse, allemande et italienne. Ce réacteur tire son appellation du nom de l’oiseau mythique, le phénix, qui paraît-il avait la faculté de renaitre de ses cendres comme le nouveau combustible nucléaire au plutonium utilisé dans cette centrale. Le réacteur valorise les cendres résiduelles des combustibles radioactifs usés.
L’installation était expérimentale. Ce pilote industriel devait valider cette nouvelle voie. Devant les difficultés techniques accumulées et la complexité d’exploitation de ce nouveau procédé utilisant pour la première fois du sodium liquide comme fluide caloporteur ainsi que les nombreuses et violentes manifestations de protestations internationales, la centrale fut définitivement arrêtée en 1997, malgré le rapport favorable à sa poursuite d’exploitation établi par Hubert Curien scientifique de grande compétence.
Pendant une longue période, des accidents industriels majeurs se succèdent à un rythme accéléré, causés par les conséquences d’une croissance effrénée du développement industriel.
La catastrophe de Bhopal en Inde se produit le 3 décembre 1984, dans une filiale de la firme américaine « Union Carbide » produisant des pesticides. 3828 personnes meurent intoxiquées suite à l’explosion de l’outil de production. Un bilan réévalué quelques années après est effroyable : il fait état de 20.000 à 25.000 morts et de 300.000 malades.
Quelques temps avant, en 1976, c’est la catastrophe de Seveso qui survientdans le nord de l’Italie. Là encore, c’est l’explosion d’un réacteur chimique de l’usine filiale du groupe Hoffmann-Laroche qui en est la cause.
Il se produit, à la suite de cet accident, la libération brutale dans l’atmosphère d’un nuage toxique contenant de la dioxine, molécule très nocive pour l’homme et pour l’environnement. Lors de cet accident industriel majeur, la population est avertie seulement 9 jours après par un communiqué laconique, mais criminel de l’entreprise.
Ces accidents interpellent les autorités, ils entrainent la refonte rapide et l’adaptation de la règlementation française et européenne. L’administration doit être, en permanence, en état de veille sur ces aspects sensibles et dans l’obligation d’innover sur les sujets concernant les risques industriels, afin d’en limiter les conséquences néfastes. La nouvelle règlementation est rapidement mise en œuvre sous le nom de « directive Seveso » en 1982.
Ce texte est sans cesse actualisé, conformément aux exigences nouvelles de la sécurité en milieu industriel. Dernièrement, le 11 février2020, c’est la version III qui est rentrée en vigueur. La directive s’enrichit de la prise en compte des différents retours d’’expériences, elle profite aussi du progrès des connaissances sur les risques liés aux produits et aux différents procédés de fabrication.
Malgré toutes les mises en garde et préconisations règlementaires diverses, les catastrophes continuent inlassablement de se produire.
Le 16 avril 1986, c’est l’explosion, suivie de la fusion du réacteur n°4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl en Ukraine. Les conséquences sont gravissimes : 150.OOO « liquidateurs » (premiers intervenants) seraient morts sur les 350.000 pertes ukrainiennes. Ce tragique événement est suivi par un exode important de la population locale de cette région martyre.
Le japon est, lui aussi, terriblement frappé à son tour en 2011. Un séisme de forte magnitude provoque un mouvement considérable d’un grand volume d’eau : c’est le méga tsunami, dévastateur et meurtrier. Ce phénomène génère une vague d’une hauteur et force exceptionnelle. Elle endommage tout sur son passage de façon irrémédiable. Le système de refroidissement de la centrale nucléaire de Fukushima, est détruit. La centrale est située à proximité de la mer. Comme toujours dans ces cas, la situation devient incontrôlable. C’est alors, que les réacteurs entrent rapidement en fusion en l’absence de tout moyen de refroidissement. Ils libèrent et déversent ainsi d’énormes quantités de déchets radioactifs dans l’océan et dans l’atmosphère. Le bilan de cette catastrophe est terrible, plus de 19.000 personnes périssent et 340.000 habitants sont déplacés.
Malgré ce drame considérable, la centrale a redémarré rapidement l’un de ses réacteurs nucléaires. C’est alors que la société Tepco, exploitant de la centrale, avoue lors du procès qui s’ensuivit, avoir menti sur la gravité et les conséquences environnementales de l’accident nucléaire.
Toutes ces catastrophes, qu’elles surviennent dans le domaine alimentaire, sanitaire (comme celle de la vache folle en 1990) ou au niveau de l’environnement (comme celle liée à la déforestation ou à l’utilisation excessive de pesticide ou bien à la diminution importante de la ressource halieutique) inquiètent et souvent paniquent les populations.
Mais dans ce concert de questions, se pose avec urgence celle -ci : quelle énergie durable choisir, pour assurer notre avenir ?
Dans ce domaine, les centrales nucléaires possèdent la vertu inégalée de ne pas émettre de CO2 dans l’atmosphère. Mais malheureusement, elles génèrent aussi dans leur processus de production des déchets radioactifs. La technologie utilisée dans ces centrales repose sur la fission de l’atome U235 (uranium). Dans cette réaction en chaines, l’atome d’U235 se divise, lors de la collision, en deux atomes plus légers, qui dégagent l’énergie nécessaire pour produire de la vapeur d’eau, entrainant une turbine génératrice d’électricité.
Un autre procédé plus innovant, porteur d’avenir, apparaît : c’est la fusion nucléaire de l’hydrogène (H2). C’est le même type de réactions en chaines qui se déroule au cœur des étoiles. Cette énergie est illimitée, non polluante, basée sur la consommation d’hydrogène. Cet élément est le plus abondant dans l’univers. Le principe de fonctionnement en est simple, mais la maîtrise de la technologie mise en œuvre, complexe et difficile.
Deux isotopes (noyaux différents) d’hydrogène, le deutérium et le tritium, atomes à faibles masses, se percutent à grande vitesse. Lors de cette collision, ils fusionnent en formant un nouvel élément, l’hélium, et dégagent d’énormes quantités d’énergie. C’est le principe de fonctionnement du réacteur I.T.E.R. (International Thermonuclear Experimental Reactor).
Le laboratoire d’accueil de ce projet est situé à Cadarache depuis 2007. Il associe le C.E.A. (commissariat à l’énergie atomique) et 35 pays, dont la Chine, les USA, la Russie. L’objectif est de démontrer la faisabilité de la méthode et de construire un pilote industriel fiable d’une puissance de 500 MW. La source d’énergie inépuisable dans ce type de centrale sera l’hydrogène.
Mais, il faut surmonter une multitude de difficultés et résoudre de nombreux problèmes techniques, avant de pouvoir enclencher le processus de production d’électricité par fusion. Il faut réaliser dans le réacteur appelé TOKAMAK (bouteilles électromagnétiques de conception russe) un vide presque parfait et porter le plasma (un état de la matière) confiné dans ces bouteilles à des températures comprises entre 150 et 300 millions de C°. Ce type de centrales sera, d’après ses concepteurs, sans impact sur l’environnement. Le projet devrait aboutir à l’horizon 2050.
D’autres alternatives pour limiter au maximum les émissions de CO2, notamment pour les transports, sont expérimentées. C’est le cas en Allemagne dans les chemins de fer. Elle vient de commander 41 rames de train à zéro émission de carbone, dont l’énergie électrique est produite au moyen d’une pile à combustible à hydrogène. L’autonomie de ces trains dépasse dès à présent les 1000 kms. Cette technologie de propulsion s’applique également pour des autobus. Certaines villes françaises, comme Pau, viennent de s’équiper de ces véhicules. Des voitures de tourismes et utilitaires électriques, utilisant de l’hydrogène, sont disponibles dès à présent sur le marché, leur autonomie peut atteindre plus de 500 kms pour 0 g/km de CO2 émis. D’autres voitures électriques ont un fonctionnement diffèrent, elles utilisent des batteries et stockent ainsi l’électricité nécessaire à leur déplacement. L’autonomie de ces véhicules est plus limitée.
Tous les constructeurs actuels se sont lancés dans cette profonde mutation du déplacement. Ils sont obligés d’adapter ou de changer profondément leurs outils de production. Pratiquement tous ses constructeurs offrent le choix d’une solution hybride, à savoir d’un véhicule thermique et électrique à la fois. Il existe aussi un marché encore balbutiant, celui des vélos à assistance électrique.
Tous changent la philosophie du moyen de se déplacer en ville et contribuent ainsi à limiter les émissions de CO2.
La production d’électricité bon marché, et de surcroît décarbonée, est un souci majeur depuis des décennies.
C’est pour cela, qu’en 1966, la France met en service, pour la première fois au monde, l’usine marémotrice de la Rance d’une puissance de 240 MW. Ce type de centrale utilise l’énergie potentielle des marées et l’énergie cinétique du déplacement de l’eau.
D’autres technologies nouvelles se développent rapidement comme les centrales solaires thermiques. Leur fonctionnement est basé sur le principe de concentration des rayons solaires sur un point fixe d’une chaudière pour produire de la vapeur d’eau actionnant un alternateur. Une installation de ce type est en exploitation actuellement à Condat-sur-Vézère en Dordogne.
D’autres installations encore transforment directement les rayons solaires en électricité. C’est le cas dans les centrales solaires à panneaux photovoltaïques. La France, dans son plan pluriannuel de l’énergie, a lancé un appel d’offre pour une tranche de 500 MW. L’objectif est d’atteindre une puissance de plus de 3000 MW en 2020. Cette technologie est néanmoins dévoreuse de grandes surfaces au sol pour recevoir les panneaux.
Une autre source très importante est l’énergie du vent. Le parc éolien français terrestre en 2016 était de 1390 installations raccordées au réseau avec une puissance de 10.000 MW. L’éolien en mer, fixe ou flottant, se développe également à grande vitesse malgré les nombreuses protestations des riverains pour cause de dégradation des paysages et réchauffement de l’atmosphère occasionné par le frottement de l’air lors de la rotation des pales. L’énergie solaire et l’éolien sont des énergies intermittentes, fortement tributaires des conditions météorologiques.
Des voies existent, plus classiques, utilisées depuis longtemps : c’est l’énergie des barrages appelée la houille blanche. Ces installations tributaires de la géographie et de l’hydraulique, utilisent l’énergie potentiel des chutes d’eau. L’expansion de ce mode de production électrique est limitée par les ressources disponibles dans notre pays.
Également dans le domaine agricole, de nouvelles solutions de valorisation sont à la disposition des exploitants, qui sont actuellement encouragés à s’équiper de digesteurs ou réacteur à biogaz. C’est une production de gaz méthane (CH4) obtenu grâce au procédé de digestion anaérobique (sans oxygène) par des bactéries, des matières organiques résiduelles issues de leurs exploitations.
Dans un autre domaine, l’ex-syndicaliste sidérurgiste, membre de la CFDT, Edouard Martin a demandé récemment à la société Mittal d’utiliser l’hydrogène en substitution du charbon dans les hauts fourneaux pour relancer la filière sidérurgique lorraine.
Rappelons aussi l’abandon récent du projet de séquestration du CO2, après l’arrêt définitif du dernier haut-fourneau de l’usine de Florange en Lorraine. D’autre part, l’université de Versailles à Saint-Quentin-en-Yvelines a annoncé dernièrement la mise au point d’éponges chimiques pour piéger le CO2. La mise sur le marché de ces produits est prévue à échéance probable de 7 à 10 ans.
Toute cette variété de technologies contribue d’une manière ou d’une autre à réduire notre empreinte carbone. Malheureusement, une menace monstrueuse apparaît, véritable « épée de Damoclès » prête à s’abattre sur nos têtes à cause du réchauffement climatique : le dégel du pergélisol (en anglais :permafrost) . Ce sont les terres gelées en permanence de l’immense toundra sibérienne. Le dégel de ce pergélisol va provoquer inévitablement la libération dans l’atmosphère de milliards de tonnes de carbone, de virus, de microbes et de bactéries en hibernation depuis des millénaires.
Certains pays comme la Russie sont néanmoins satisfaits de ce dégel, car il permet d’entrevoir l’ouverture de voies maritimes nouvelles des mers du Nord, de Barents et Blanche et d’envisager aussi l’exploitation future de gisements faramineux de ressources minérales et gazières.
Un petit rappel théorique en passant. Le climatologue américain Edward Lorentz constatait un effet singulier qu’il a surnommé « effet papillon », provoqué par le changement infime des données initiales dans un système chaotique. Il l ‘énonce comme suit : « un battement d’ailes de papillon à Sumatra peut provoquer un ouragan au Texas » ou alors d’autres exemples plus explicites : l’utilisation quotidienne de produits de soins d’hygiène personnelle contenant des métaux lourd comme le zinc se retrouvent inéluctablement dans les graisses des poissons et provoquent, lors de leur ingestion par des ours de l’Arctique, leur disparition.
Dans cette même logique, quelles vont être les conséquences des incendies survenus en Australie dernièrement et qu’en sera-t-il du dégel des pôles et du Pergélisol sibérien ?Ne parlons pas des effets dévastateurs de l’agent infectieux le cocid-19 de la taille de quelques angströms (1/10 puissance 7 millimètres) qui partit patient zéro envahit le monde entier en ravageant les économies et causant la mort de millier de personnes.
Mais revenons dans notre pays. La France a adopté en août 2015, la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV).
Cette loi se veut ambitieuse, elle s’articule autour de quatre axes principaux :
1- une programmation pluriannuelle de l’énergie
2- un plan stratégique de développement de la chaleur et du froid renouvelables
3- une stratégie bas carbone
4- une stratégie nationale de la biomasse
Ce plan d’actions est-il suffisant pour stopper et inverser la tendance ?
La course effrénée aux plantations d’arbres, véritable piège et puits de CO2, la pratique généralisée de la permaculture par nos paysans, la consommation à grande échelle de produits biologiques, le recours systématiques aux cycles courts, la construction d’un habitat vertueux à énergie positive, l’acceptation par l’humanité d’adopter une autre façon de vivre et surtout, pour ses besoins énergétiques, de recourir au vecteur tout hydrogène, naturellement à condition que celui –ci ne soit pas obtenu avec des énergies fossiles…
Est-ce suffisant ?
en outre pour couronner le tout, le phénomène anthropique conforme au second principe de Carnot sur l’irréversibilité des systèmes,énonce que tout système tend de façon irrémédiable vers le désordre. Un dernier point,Jean-Marc Jancovici spécialiste français reconnu de la transition énergétique, déclare : »remplacer le nucléaire qui émet peu de CO2 par de l’électricité renouvelable qui émet peu de CO2 est une véritable imposture »
Devant toutes ces contradictions, avons-nous encore la possibilité de changer le cours des événements, tous embarqués que nous sommes sur notre humble vaisseau terre, authentique arche de Noé planétaire ?
Voilà peut-être la véritable question.
Vincent ROSATI