C’est Demain : Quel bilan tirez-vous de cette pandémie ?
LD : 100.000 morts du Covid-19 en France, un million en Europe, trois millions dans le monde en une année ! Ce bilan considérable s’inscrit dans la lignée des grandes épidémies de grippe du vingtième siècle, en particulier la grippe espagnole qui a tué 200.000 personnes en 1918 en France.
Mais ce qui me frappe, c’est l’insensibilité à cette litanie quotidienne du nombre de décès, d’une part, et le décorrélation entre ces chiffres et les comportements d’autre part.
Cette maladie est devenue banale. Il y a un an, les cabinets médicaux étaient déserts, la peur d’être contaminé et de mourir dominait. Aujourd’hui, on a davantage peur de ne pas pouvoir être bien traité du fait de l’embolisation des structures de santé.
C’est Demain : Quelles conséquences, justement, pour les soins ?
LD : Il y a d’innombrables victimes invisibles dues à la désorganisation des soins et les déprogrammations d’interventions ont de lourdes conséquences sur les patients atteints d’autres pathologies que la Covid-19.
C’est la perte de chance pour un patient atteint d’un cancer ou d’une pathologie cardio-vasculaire : ne pas se faire dépister et diagnostiquer ! Alors que 400.000 cancers sont découverts chaque année, en 2020 il y a eu 20 % de diagnostics en moins. Il y a eu une diminution notable du nombre de mammographies et de coloscopies en 2020.
Si les opérations urgentes sont maintenues, les prises en charge sont plus compliquées. Les cures de chimiothérapie et de radiothérapie peuvent être reportées, voire annulées, le suivi des consultations espacé. Le retard entre le diagnostic et le traitement a forcément des conséquences néfastes et induira une surmortalité dans les cinq à six années à venir.
C’est Demain : Quelle est la situation en Moselle ?
LD : Notre département a connu une évolution unique en France avec une installation précoce et rapide du variant sud africain du virus initial au début du mois de février 2021 : 40 % contre 20 % pour le variant britannique, sans que l’on sache encore aujourd’hui pourquoi.
Un mois plus tard, en mars, les courbes se sont croisées et si le variant britannique domine actuellement ( interview réalisé le 15avril) en Moselle, le variant sud africain reste élevé à environ 30 %, seul département français métropolitain à connaître cette situation.
C’est Demain : Commen voyez-vous l’avenir ?
LD : L’épidémie est toujours bien présente, la troisième vague reste très haute, il y a près de 6000 malades en réanimation, 30.000 nouveaux cas détectés chaque jour dans notre pays.
Pour sortir d’une telle situation, il faut associer un confinement strict à une vaccination intensive, poursuivre la trilogie « tester-tracer-isoler » et contrôler les voyageurs en provenance de pays où sévissent des variants agressifs.
C’est Demain : Où en est-on de la vaccination ?
LD : Au 15 avril 2021, 12 millions de nos concitoyens ont été vaccinés, soit 22 % de la population, ce qui est encore très loin du niveau requis pour obtenir une immunité collective.
C’est Demain : Des leçons pour l’avenir ?
LD : La santé publique a fait défaut, avec en particulier l’absence de masques au début de l’épidémie. Les chercheurs ont fait un travail remarquable, mettant au point en un temps record des vaccins efficaces et innovants, en particulier ceux à ARN messager. Malheureusement, la production industrielle ne suit pas et la vaccination massive trouve ici ses limites.
La grande leçon est que l’Homme reste vulnérable dans un monde qui peut rapidement se montrer hostile.