À l’heure où le pays connait en même temps un fort rebond de l’économie et une de ses plus importantes crises de l’emploi, le travail des pépinières d’entreprises prend tout son sens. Car paradoxalement, des millions de Français n’ont pas d’emploi tandis que des dizaines de milliers d’offres ne trouvent pas preneurs, mettant les entrepreneurs et chefs d’entreprises dans une situation délicate. La pépinière d’entreprises est une des solutions permettant de pallier ce phénomène.
Forte de son savoir-faire depuis 2011, la Pépinière d’entreprises de Saint-Dié-des- Vosges a su trouver des méthodes d’accompagnement et de suivi de projet. Elle est ainsi devenue l’une des plus performantes de la région en termes de résultats. Marc Duchet-Suchaux, directeur général nous en dit plus sur le rôle de son équipe et ses résultats.
C’est demain – Créer, innover, entre- prendre et reprendre. Cela semble être le leitmotiv de la Pépinière d’entreprise de Saint-Dié-des-Vosges, la plus petite du Grand Est mais peut-être aussi la plus performante. Pouvez-vous nous présenter ses domaines d’action ?
MARC DUCHET-SUCHAUX – La région de Saint-Dié- des-Vosges, située au cœur de l’Europe, a longtemps été un concentré d’atouts représentatifs de l’économie française : tradition industrielle, qualité de main d’œuvre, situation géographique. Cette région a encaissé, plus que d’autres, le contre coup brutal de la mondialisation : concurrence féroce des pays d’Europe centrale, émergence du Brésil, de la Chine et de l’Inde.
Dans les années 80, nous avons vécu une crise économique plus grave encore que celle du textile avec les fermetures, les délocalisations et les licenciements dans les domaines de la sous-traitance automobile, la plasturgie, la papeterie.
Face à ces mutations économiques, Saint- Dié-des-Vosges et sa région, réfléchissent à se fixer des objectifs ambitieux et fédérateurs pour réussir l’adaptation progressive de l’économie déodatienne face aux constats précédents. Cela repose sur la mise en œuvre d’une stratégie économique de reconquête et créatrice d’emplois.
Dans le cadre de cette stratégie, la Ville de Saint-Dié-des-Vosges, la Chambre de commerce et d’industrie des Vosges et le Pays de la Déodatie ont engagé un partenariat de développement économique à travers l’exploitation d’une Pépinière d’entreprises sur son territoire. Le positionnement de cette Pépinière est en priorité d’accueillir les projets entrepreneuriaux innovants à forte valeur ajoutée.
C.D. – Quels sont les objectifs et les missions d’une pépinière intercommunale d’entreprises telle que la vôtre ?
M.D-S. – Le rôle de la Pépinière est d’accueillir, accompagner jusqu’à la création quand il y a création, et suivre les porteurs de projet dans la période critique post création (3 années). Elle a également la possibilité de proposer l’option hébergement et domiciliation des entreprises éligibles. L’accueil individuel consiste à réaliser un premier diagnostic du projet et de son état d’avancement. (383 en 10 ans). L’accompagnement consiste à établir avec le porteur de projet un plan d’action, destiné à recueillir les données nécessaires à la bonne formalisation de son projet. (275 en 10 ans). Pour ce faire, nous procédons à une évaluation du projet d’entreprise, des conditions de réussite, des informations sur les aides publiques et privées mobilisables, une aide à l’élaboration du business plan, la mise en relation avec le tissu économique régional (institutionnels, milieux d’affaires, chambres consulaires). Tout cela précède une préparation au passage devant le comité d’agrément qui valide l’entrée en pépinière si un besoin d’hébergement a été clairement identifié. La création (accompagnés-créés) a abouti à 117 cas en 10 ans. Environ 172 emplois ont été créés. L’accompagnement auprès des structures chargées des formalités d’inscription des entreprises au registre du commerce, de la CMA, de l’Urssaf, des organismes de financement (banques, microcrédits, prêts d’honneur et financements innovants, crédits impôt recherche (CIR), Bourses French-tech, fonds Feder, levées de fonds).
Un suivi est opéré à travers lequel nous définissons avec notre interlocuteur les critères de vigilance de son projet, les modalités de suivi, la cadence de ce suivi, sa périodicité, afin de mettre en œuvre les tableaux de bord appropriés au suivi et à la bonne gestion de l’entreprise. Environ 80 unités ont été concernées en six ans sur des périodes de 1 à 3 ans. L’hébergement est enfin un service supplémentaire apporté à nos porteurs de projets, en mettant à disposition, à un prix avantageux bureaux, ateliers et locaux. Cet hébergement n’est pas automatique. Il doit être validé par un comité d’agrément constitué d’entreprises, qui vérifie l’intérêt du porteur à bénéficier des avantages de cet hébergement .
C.D. – Pourquoi les créateurs viennent-ils en pépinière et quelles sont les conditions d’entrée ?
M.D-S. – Les bénéfices pour les entreprises hébergées sont considérables : la qualité des dossiers présentés aux banquiers, experts-comptables et aux autres partenaires financiers ; une intégration efficace et rapide dans l’environnement économique local ; la notoriété croissante de l’entreprise grâce à la pépinière ; une maturité accrue des entreprises qui sont informées et guidées, une orientation à la sortie de la Pépinière vers les zones d’activités aux alentours de Saint-Dié-des-Vosges.
C.D. – Quels sont vos plus grands succès dans les entreprises innovantes passées dans votre établissement ?
M.D-S. – Quatre jeunes entreprises innovantes ont été hébergées en 10 ans à la Pépinière de Saint-Dié-des-Vosges. Belle performance ! Nous comptons ainsi : E-Wattch dirigé par Nicolas Babel, qui développe des capteurs LoRa® IoT et des applications pour l’industrie 4.0, le Smart building fondé sur des technologies sans fil innovantes comme le réseau LoRa®, Novanci (Dg : Benoit Wissenberg), société spécialisée en fabrication de moteurs, génératrices et transformateurs électriques (pompes à chaleur connectées) à Granges, dans les Vosges, Opty fibre avec à sa tête Pascal Henry, expert du métier des télécoms depuis 28 ans en réseaux cuivre, fibres optiques, études et constructions/ travaux des réseaux de télécommunication, en fibre optique notamment.
Une entreprise de télécommunications pas comme les autres où l’humain est au centre de tous leurs intérêts. Ils relient les hommes grâce à la fibre optique et valorisent les hommes qui font qu’Opty fibre est devenue ce qu’elle est aujourd’hui. Enfin, Duplicaprint: (Dg : Nicolas Claudel) qui est une société située à Saint-Dié-des-Vosges. C’est une imprimerie web, dont les commandes sont à 95% sur Internet. C’est une imprimerie numérique, qui fabrique des produits de la carte de visite en passant par les flyers, affiches, dépliants, jusqu’aux livres et albums photos, une large gamme de produits dans l’univers de la musique, de la vidéo, du conditionnement standard (pochette carton CD, boitier cristal ou boitier Amaray, apportant les meilleurs prix du marché dans les délais les plus courts.
C.D. – Quels sont vos moyens administratifs et financiers, vos soutiens et êtes-vous en lien étroit avec les entreprises du bassin d’emploi de Saint-Dié-des-Vosges, de l’agence Pôle emploi ?
M.D-S. – Nos partenaires principaux dans le domaine du soutien de la création d’entreprises sont Pôle emploi, la Mission locale (Garantie jeunes), la Politique de la ville (animation de quatre stages en 5 ans), l’École de la deuxième chance, les Jeunes prêts à bosser et Cap emploi. Nous travaillons sur nos projets innovants avec Ewattch, le CIRTES : (CIRTES SA est une société labellisée structure de recherche contractuelle (SRC). Située au cœur du bassin industriel de Saint-Dié-des-Vosges depuis 1991, CIRTES possède également un établissement à Carmaux, dans le Sud-ouest de la France. À partir de ses spécialités brevetées, la fabrication additive par Stratoconception®, l’emballage rapide 3D Pack&Strat® et la surveillance de l’Usinage Actarus®. CIRTES a vocation à développer des contrats industriels de recherche & développement, à fabriquer des maquettes et outillage, à commercialiser des solutions logicielles et des machines associées. Innori, Insic, Université de Lorraine (IUT de Saint Dié) Materalia (Pôle de compétitivité) est le pôle de compétitivité en Région Grand Est, spécialiste des matériaux structurants et procédés de mise en œuvre. Nos moyens administratifs sont confiés à Alicia Bouchenafa, assistante de direction, dotée de logiciels de pointe parmi lesquels Sage, Openbee GED (Gestion électronique de documents) zéro papier, Zoho : CRM (Zoho CRM sert un réseau mondial de plus de 250 000 entreprises dans 180 pays pour convertir davantage de «leads», interagir avec les clients et augmenter le chiffre d’affaires. Vous transformez votre activité grâce au logiciel de gestion de la relation client le plus répandu dans le monde, puis AGS : Expert-comptable et CFGS Commissaire aux comptes.
C.D. – Ressentez-vous parfois un manque de moyens, voire de candidats à la création d’entreprise ? Quelles solutions pourraient être mises en place pour parer à ces manques ?
M.D-S. – Concernant les moyens, nous nous efforçons de convaincre les collectivités locales, consulaires, Conseil régional Grand Est, financeurs traditionnels de continuer à nous suivre. Nous y parvenons de moins en moins, c’est pourquoi nous nous mettons au travail sur plusieurs chantiers qui devraient, à trois ans environ, nous permettre d’acquérir notre indépendance financière.
C.D. – Une conclusion à cet entretien très riche en informations ?
M.D-S. – Outre le fait qu’une Pépinière d’entreprises se doit d’être à la disposition de tous les porteurs et repreneurs de projets, nous sommes attachés à attirer de plus en plus des porteurs de projet susceptibles à s’intéresser aux technologies d’avenir parce que génératrices d’emplois. Le monde de l’objet connecté se compte en milliard de milliard d’unités. D’où la nécessité d’acquérir des compétences sur les objets connectés (LoRaWAN), sur les machines à commande numérique (Intrusion extrusion) Imprimante 3D, SNC, Graveuse 3D, stratoconception, de nous labelliser Qaliopi. Ceci n’a été possible qu’avec un investissement sans faille de la Présidente de la Pépinière, Nelly Gaxatte-Mandray.
Marc Duchet-Suchaux – un ingénieur connecté
Ingénieur électronicien diplomé de l’EFREI (École d’ingénieur généraliste en informatique et technologies du numérique) en 1980, titulaire d’une maîtrise appliquée à la gestion au CNAM en 1983, Marc Duchet-Suchaux a été quatre fois chef d’entreprise, Fabert Service 1984, Mediaserv Antilles 2001, Gérômoise en 2005, Immopam 2007. Il a toujours suivi l’évolution des technologies de l’information et de la communication, des produits informatiques, téléphonie fixes d’abord et mobiles télécom mobiles, Gsm puis internet.
La Pépinière d’entreprises de Saint-Dié- des Vosges, c’est aussi sa Présidente, Nelly Gaxatte-Mandray. Pensionnaire du lycée Jules Ferry de Saint-Dié-des-Vosges où elle obtient son BAC B en 1976, elle postule à l’Institut de contrôle de gestion (ICG) recevant une formation rapide et pratique à la direction d’entreprise durant 3 ans à Nancy et Paris. Membre du Club entreprises, elle obtient en marge de ces études, une formation optionnelle au commerce international. Après un stage de fin d’études à la Chaudronnerie Quenot à Golbey en audit industriel et réorganisation du mode de fabrication, Nelly Gaxatte-Mandray rejoint Interim 88 à Épinal. Gardant à cœur de créer son entreprise, la future présidente choisit d’intégrer un 3ème cycle au CNAM à Paris en gestion de production assistée par ordinateur. Elle crée en 1985, PAI, première société d’intérim sur le bassin de Saint-Dié- des-Vosges, qui couvre un large territoire entre Lorraine et Alsace. Elle comptera jusqu’à 1 600 intérimaires.
À la tête de l’entreprise, Nelly Gaxatte-Mandray insuffle des idées novatrices comme la mobilisation des «laissés pour compte» de la crise économique de ce bassin sinistré, et les forment dans des métiers nouveaux comme la plasturgie, la métallurgie ou les techniques nouvelles de fabrication automobile. Au- delà du simple but économique, PAI propose au début des années 80, une véritable réinsertion professionnelle, favorisant le lien entre les personnes et le vivre-ensembles. Adhérant au Centre des jeunes dirigeants (CJD), elle est élue présidente de la section de Saint-Dié-des-Vosges, puis membre du bureau régional, puis national. Son engagement est salué par une invitation à suivre la formation de l’école des Présidents. Administratrice du syndicat patronal Promatt, elle participe à de nombreux chantiers de modernisation des métiers de l’intérim.
Puis elle crée ensuite le cabinet VEGA consultant, véritable laboratoire de recherche et développement à l’usage des managers. En 2004, ce travail est récompensé par le « Prix de l’Innovation Sociale «Enjeux Les Echos» devant LOREAL ou encore DANONE. Native de Déodatie, elle a consacré tous ses efforts, son travail et sa force de conviction à s’employer à tirer vers le haut un territoire mis à mal par les crises successives de son économie.
La Légion d’honneur décernée à Nelly Gaxatte-Mandray vient récompenser la présidente de la Pépinière d’entreprises de Saint-Dié-des-Vosges, mais plus encore un parcours professionnel, de vie consacré exclusivement à son territoire, ses femmes, ses hommes et son économie.